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Les humains consomment du cannabis depuis des milliers d’années pour traiter différentes formes de douleurs. Dans le monde moderne, le mal de dos est l’un des maux les plus répandus et beaucoup d’individus essaient de se soulager tant bien que mal avec du cannabis. Mais la weed peut-elle vraiment aider contre ce trouble ? Éléments de réponse ici.
Sommaire:
La weed peut-elle aider contre le mal de dos ? Vous avez sûrement dans votre entourage quelqu’un qui affirme que c’est le cas pour lui. Malgré tout, la recherche autour de ce sujet en est toujours à ses balbutiements et manque de données concrètes. Sachant que ce problème affecte des millions d’individus dans le monde entier et que les traitements d’aujourd’hui ont une efficacité limitée, les chercheurs s’évertuent à découvrir la réponse à cette question.
Le mal de dos est semblable à une épidémie : environ 1 adulte sur 6 souffre d’une forme ou d’une autre de mal de dos rien qu’en Angleterre. Outre la prévalence de ce trouble, le mal de dos est notoirement difficile à diagnostiquer et à traiter. L’approche biomédicale traditionnelle du mal de dos postule que les sensations de douleur proviennent de lésions tissulaires sous la forme d’un ligament déchiré, d’un nerf coincé ou d’un disque vertébral en dégénérescence.
Cependant, certains patients ressentent des douleurs en l’absence de lésions tissulaires. De plus, les patients qui présentent des signes de lésions tissulaires ou de dysfonctionnement, comme une hernie discale, peuvent ne ressentir que peu ou pas de douleur. Ces résultats remettent en question l’approche biomédicale et ont donné naissance à un modèle plus nuancé : l’approche biopsychosociale du mal de dos.
En effet, cette approche tient compte des facteurs biologiques, psychologiques et sociologiques qui contribuent tous à la perception et à l’intensité de la douleur chez un individu. Par exemple, certains cliniciens utilisent une intervention connue sous le nom de éducation à la neurophysiologie de la douleur (PNE) pour aborder les problèmes psychosociaux qui peuvent contribuer au mal de dos chronique.
Les médicaments conventionnels prescrits pour combattre les sensations de douleur comprennent des produits en vente libre comme l’ibuprofène, certains antidépresseurs et des narcotiques comme les opioïdes. Cependant, les effets secondaires et le potentiel d’abus de ces options amènent souvent les patients à chercher ailleurs et beaucoup choisissent de tester le cannabis dans l’espoir de soulager leurs symptômes.
Dans ce qui suit, nous allons d’abord décrypter les différents types de maux de dos. Ensuite, nous examinerons le rôle du système endocannabinoïde dans le mal de dos avant de voir ce que la recherche dit de la relation entre le cannabis et ce trouble.
Malgré la complexité de certaines formes de maux de dos, d’autres types de douleurs sont facilement attribuables à une cause évidente et nécessitent un traitement relativement simple. Nous diviserons ci-dessous le mal de dos en deux grandes catégories : les douleurs aiguës et les douleurs chroniques.
Le mal de dos aigu désigne une douleur soudaine et éphémère. Ce type de douleur se développe généralement en dehors de toute autre cause physiologique et résulte plutôt d’un stress mécanique. Voici quelques-unes des principales causes du mal de dos aigu :
Contrairement au mal de dos aigu, le mal de dos chronique persiste pendant une période plus longue. De nombreuses formes chroniques de maux de dos ont un facteur biopsychosocial qui peut retarder la guérison si elles ne sont pas prises en charge de manière appropriée. Plusieurs troubles peuvent contribuer au mal de dos chronique :
Si certaines affections donnent lieu à des maux de dos, plusieurs facteurs psychosociaux comme l’anxiété, la dépression, la kinésiophobie et le syndrome de stress post-traumatique sont également associés à la douleur chronique en général. Les facteurs de risque modifiables augmentent également les chances de souffrir de douleurs chroniques au dos et l’obésité se place en tête de liste.
Les formes aiguës et chroniques du mal de dos peuvent avoir des répercussions sur la vie quotidienne. Les sensations douloureuses qu’elles provoquent suffisent à interrompre les activités normales du quotidien et se manifestent sous diverses formes comme des douleurs vives, sourdes, brûlantes et irradiantes. Au fil du temps, ces symptômes commencent à avoir un impact sur la capacité de travail, la fonction sexuelle et l’état psychologique, ce qui peut encourager l’apparition de comorbidités comme l’anxiété et la dépression et générer le besoin d’une prise en charge multidisciplinaire.
Alors, comment peut-on se sortir de cette situation ? La gamme de produits pharmaceutiques disponibles fonctionne pour certaines personnes, mais ces médicaments s’attaquent rarement à la racine de la douleur. Les régimes d’exercices, le renforcement musculaire et le travail de cardio donnent également de bons résultats, mais ne conduisent pas toujours à une rémission complète.
En gardant cela à l’esprit, nous allons maintenant examiner le rôle potentiel que le cannabis pourrait jouer dans l’avenir du traitement du mal de dos. Pour bien comprendre ce rôle, nous devons d’abord passer en revue ce qu’est le système endocannabinoïde.
Le système endocannabinoïde (SEC) contrôle de nombreux aspects de notre physiologie. Également connu sous le nom de « régulateur universel », ce réseau de messagers chimiques, d’enzymes et de récepteurs maintient le corps humain dans un état d’homéostasie. Ces éléments se retrouvent dans le système nerveux central, le système immunitaire, le système digestif et même les os et les tissus conjonctifs. Peu importe où ils se trouvent, ils fonctionnent de concert pour s’assurer que tout se passe bien.
Pour faire simple, le SEC se compose de deux molécules de signalisation principales connues sous le nom de anandamide et 2-AG. Ces substances chimiques se lient aux deux principaux récepteurs, appelés CB1 et CB2, pour provoquer des changements dans les cellules cibles. La sensation de douleur apparaît lorsque les neurones sensoriels se dépolarisent et envoient une impulsion électrique à l’extrémité de leur axone (structure en forme de branche à l’extrémité d’un neurone). Là, le neurone présynaptique envoie des neurotransmetteurs par la fente synaptique qui activent des récepteurs sur le neurone postsynaptique et cette activation génère une autre impulsion électrique. Ce processus se poursuit jusqu’à ce que l’impulsion atteigne la colonne vertébrale et se traduise dans le cerveau comme une douleur.
Ce type de neurotransmission, appelé transmission antérograde, envoie des signaux chimiques dans une seule direction. Cependant, le système endocannabinoïde a plus d’un tour dans son sac. Il envoie des endocannabinoïdes dans la direction opposée (transmission rétrograde) vers des récepteurs cibles sur le neurone présynaptique. Ce mécanisme d’action permet de bloquer temporairement la libération de neurotransmetteurs et la signalisation de la douleur, dans une certaine mesure. Mais nos propres endocannabinoïdes ne limitent les signaux de douleur qu’à un certain degré. Or, il se trouve que les cannabinoïdes d’origine végétale, comme le THC, interagissent également avec ces mêmes récepteurs présynaptiques et cela permet d’envisager que le THC serait capable d’inhiber le déclenchement des neurotransmetteurs de manière similaire.
Avec le mal de dos chronique, la douleur n’est qu’une variable de l’équation. Souvent, cette sensation inconfortable est le symptôme d’un problème de santé sous-jacent. Comme le système endocannabinoïde joue un rôle régulateur dans la quasi-totalité de l’organisme, les chercheurs sont désireux de savoir s’il pourrait jouer un rôle préventif ou curatif dans ces causes profondes.
Par exemple, des études ont examiné le potentiel du terpène (un autre type de composé présent dans le cannabis) caryophyllène pour reminéraliser le tissu osseux. Les chercheurs souhaitent également déterminer si le CBD peut fournir une protection face aux modèles de discopathie dégénérative. À cela s’ajoutent d’autres études examinant comment le cannabis et le SEC pourraient aider à lutter contre les comorbidités psychosociales de l’anxiété et de la dépression ainsi que les facteurs de risque modifiables tels que l’obésité.
Le SEC a un potentiel certain en tant que cible dans le traitement du mal de dos et plusieurs cannabinoïdes dérivés du cannabis comme le THC sont connus pour s’accrocher aux récepteurs du SEC. Étant le principal constituant psychotrope du cannabis, le THC est à l’origine de l’euphorie associée à la consommation du cannabis. Il existe d’innombrables anecdotes de personnes qui, en fumant des joints ou des bangs, affirment que leur douleur a disparu, du moins temporairement.
Malgré tout, nous avons besoin de preuves scientifiques concrètes avant de pouvoir affirmer que le THC a un impact positif sur le mal de dos. Heureusement, les chercheurs sont en train d’y trouver des éléments de réponse. Un examen clinique[1] a analysé les données disponibles provenant d’études sur l’humain et semblait penser qu’il n’existe pour l’instant que des preuves modérées de l’utilité du cannabis pour les douleurs lombaires.
Cependant, les auteurs ont également examiné des études épidémiologiques ayant permis l’obtention de données portant sur une population n’étant pas dans des conditions d’essais contrôlés. Ils ont constaté une réduction de l’utilisation d’analgésiques opioïdes dans les populations qui prennent du cannabis pour soigner la lombalgie. Malgré cela, la quantité de variables impliquées dans la recherche épidémiologique rend ces résultats peu fiables.
Une revue clinique plus étendue a examiné le cannabis pour les douleurs chroniques[11] en général, et d’autres problèmes médicaux et psychiatriques. Les données proviennent en partie de six essais portant sur 325 patients souffrant de douleurs chroniques et de six essais portant sur 396 patients souffrant de douleurs neuropathiques. Bien que majoritairement positifs, ces résultats doivent être confirmés par d’autres essais sur l’humain.
Un article publié dans le European Journal of Pain appuie ces premiers résultats[12]. L’article détaille une étude de cohorte basée sur un registre national menée au Danemark. Les chercheurs ont interrogé 1 817 patients qui avaient reçu au moins une prescription de médicaments à base de cannabis ou de cannabis médical pour des douleurs neuropathiques. Ils ont ensuite comparé la fréquence des visites à l’hôpital et la réduction de la consommation de médicaments conventionnels de ces patients par rapport à un groupe témoin.
Le CBD et le THC ne fonctionnent pas de la même façon dans le corps. Puisque ce premier ne se lie pas au récepteur CB1 comme un agoniste puissant, il ne provoque pas le même effet psychotrope. Cependant, il fonctionne comme un effecteur allostérique[13] du récepteur CB1, ce qui signifie qu’il modifie la façon dont le THC se lie à ce site. Le CBD a également un impact sur les enzymes du SEC.
Pour en revenir à l’anandamide (un endocannabinoïde impliqué dans la signalisation de la douleur), le CBD agit en bloquant l’enzyme[14] responsable de la dégradation de ce composé. Ce faisant, le CBD pourrait augmenter les niveaux d’anandamide et maintenir l’inhibition des neurotransmetteurs de la douleur. Cependant, des études humaines sont nécessaires pour confirmer ce mécanisme d’action.
Les récepteurs CB1 et CB2 constituent le « SEC classique ». Néanmoins, une série d’autres sites récepteurs constituent le SEC élargi, un système appelé « endocannabinoïdome ». Certains chercheurs affirment que l’un de ces sites, connu sous le nom de TRPV1, devrait porter le titre de CB3 en raison de ses interactions notables avec les endocannabinoïdes et il semblerait que le CBD interagisse également avec le TRPV1[15]. Ce récepteur joue un rôle majeur dans l’inflammation et la douleur et cela en fait une cible prometteuse pour le mal de dos.
Les essais sur l’humain font défaut en ce qui concerne le CBD et le mal de dos. Cependant, une série de cas[16] documente l’efficacité potentielle du CBD dérivé du chanvre sous la forme d’une crème transdermique pour les maux de dos aigus et chroniques. Le cannabinoïde semble produire des résultats positifs sur le plan anecdotique, mais des essais plus rigoureux sont nécessaires.
Une étude[18] publiée dans le Journal of Pain Research a testé un spray oromucosal contenant à la fois du THC et du CBD dans les douleurs neuropathiques chroniques. Les chercheurs pensent que cette concoction pourrait jouer un rôle dans la gestion de cette forme de douleur, mais, là encore, de futurs essais cliniques sont nécessaires pour déterminer sa véritable efficacité.
Le mal de dos reste un problème de santé complexe, nuancé et prévalent. Le nombre de comorbidités et de causes et l’interaction des facteurs biopsychosociaux rendent cette affection difficile à diagnostiquer et à traiter pour les cliniciens. Jusqu’à présent, les recherches sur l’utilisation du cannabis et de ses innombrables composants dans les cas de mal de dos ne sont pas concluantes. Le manque d’essais cliniques impliquant différents cannabinoïdes pour différentes formes de mal de dos signifie qu’il est trop tôt pour dire si cela fonctionne.
Cependant, avec l’évolution rapide des lois sur le cannabis et la multiplication des études sur les traitements du mal de dos, ce n’est qu’une question de temps avant de connaître la réponse.