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Dans un futur proche, vous pourriez bien avoir recours au cannabis pour cultiver du cannabis. Pas seulement sous la forme de paillis, ou bien en utilisant une ficelle de chanvre pour réaliser un filet de palissage, mais bien comme intrant conçu pour lutter contre de pénibles maladies fongiques, comme l’oïdium et le Fusarium.

Les terpènes, flavonoïdes et autres molécules phytochimiques responsables des effets et des parfums du cannabis remplissent des fonctions importantes au-delà de leur simple attrait pour les cultivateurs humains. Produit de l’adaptation, ces molécules constituent un arsenal chimique qui défend les plants d’herbe contre toutes sortes de menaces, y compris les champignons problématiques.

Alors que certains agriculteurs se détournent des méthodes de culture conventionnelles qui ont fait de gros dégâts sur notre environnement, ils cherchent à suivre une approche plus naturelle et respectueuse du sol pour la nutrition, la gestion des cultures et des pathogènes des plantes.

Les molécules contenues dans le cannabis pourraient jouer un rôle dans cette transition, à la fois dans le cadre de l’agriculture en général et dans des niches comme la culture bio du cannabis.

Nous allons maintenant nous pencher sur les propriétés spécifiques qui font du cannabis un candidat prometteur pour lutter contre les champignons nocifs !

La nécessité de fongicides organiques

Le contraste entre la croissance saine des plantes et les dangers des fongicides synthétiques dans l'agriculture moderne, soulignant la nécessité d'alternatives biologiques.

On a fait fausse route... mais vraiment fausse route. La technologie contemporaine nous a permis multiplier toujours plus de cultures, à tel point qu’environ 40 %[1] des aliments cultivés ne sont jamais consommés.

L’excès de travail du sol et l’application d’engrais chimiques, de fongicides et d’autres intrants rendent ce niveau de production possible dans le paradigme agricole actuel. Nos terres agricoles sont désormais polluées par des microplastiques, des métaux lourds et des produits chimiques notamment des herbicides et des fongicides.

En réaction, les domaines en plein essor de l’agroécologie et de l’agriculture durable préconisent des approches alternatives visant à minimiser ces polluants, comme le remplacement des bâches en plastique par des cultures de couverture. Ils explorent également différentes manières de combattre les champignons sans utiliser de produits chimiques nocifs.

Timorex Gold, un extrait naturel de Melaleuca alternifolia (communément appelé l’arbre à thé) est un fongicide naturel très prometteur. Il a prouvé son efficacité contre toute une série d’espèces pathogènes pour les légumes, les plantes et les arbres fruitiers.

De même, dans la culture du cannabis, les fongicides biologiques ont également fait leurs preuves. Les plants de cannabis sont souvent la proie d’une série de pathogènes fongiques pendant la floraison, comme des espèces appartenant aux genres Aspergillus, Penicillium, Fusarium et Mucor.

Des recherches[2] publiées en 2023 montrent que différents fongicides organiques ont la capacité de réduire l’oïdium dans le chanvre de 76 à 100 %.

Ces découvertes sont très certainement prometteuses. Mais pourquoi les fongicides chimiques représentent-ils un tel problème ? Pourquoi des alternatives sont-elles nécessaires dans l’agriculture en général ?

Pourquoi les fongicides chimiques perdent du terrain

Les fongicides conventionnels, comme leur nom issu du latin le suggère, sont indéniablement efficaces pour tuer (« -cide ») les champignons (« fongi- »). Cependant, tout comme les médicaments conçus pour les humains peuvent présenter des effets secondaires indésirables, les fongicides chimiques présentent des risques significatifs pour l’environnement plus large.

Voici les principales raisons pour lesquelles des alternatives naturelles sont nécessaires :

  • Mécanisme de dispersion : de nombreux fongicides synthétiques agissent comme des marteaux chimiques qui tuent l’agent pathogène ciblé ainsi que les champignons bénéfiques qui contribuent à protéger et à nourrir les cultures.
  • Résidus toxiques : certains fongicides restent dans le sol, parfois jusqu’à une année entière. Pendant cette période, ils nuisent à des organismes non-ciblés et pénètrent dans la chaîne alimentaire.
  • Dégradation du sol : en altérant les délicates communautés microbiennes dans le sol, les fongicides peuvent priver le milieu de culture de sa vitalité et de sa fertilité. Les dégâts subis par les microbes qui recyclent les nutriments impactent non seulement le microbiome du sol, mais aussi les plantes elles-mêmes.
  • Développement de résistances : tout comme les bactéries peuvent devenir résistantes aux antibiotiques, les champignons peuvent s’adapter et développer une résistance aux nuisibles. La surutilisation de ces méthodes de contrôle chimiques crée une pression sélective qui accélère ce processus, ce qui crée des variétés fongiques plus robustes et plus difficiles à contrôler.
  • Pollution de l’eau : les fongicides peuvent pénétrer dans les cours d’eau environnants à travers les écoulements hors des champs. Ceci nuit gravement aux écosystèmes aquatiques qui sont déjà sous une pression considérable en raison des autres sources de pollution.

Comment les extraits de cannabis agissent comme fongicides

Bourgeon de cannabis montrant des muscles, représentant son pouvoir en tant que fongicide naturel.

Croyez-le ou non, votre herbe favorite pourrait contribuer à un nouvel arsenal de fongicides de source biologique qui présentent des risques considérablement plus faibles que leurs alternatives chimiques. Mais comment les extraits de cannabis agissent-ils exactement comme fongicides biologiques ?

Les plants de cannabis sont des usines à composés phytochimiques. Ils possèdent des voies biosynthétiques uniques qui leur permettent de produire des centaines de molécules différentes. Il se trouve que certaines d’entre elles aident à protéger les plants contre les agents pathogènes fongiques rencontrés dans la nature comme dans la culture contrôlée.

Des terpènes aux cannabinoïdes en passant par les flavonoïdes, les plants de cannabis investissent de l’énergie dans leur propre protection pour s’assurer de produire des fleurs mûres à des fins de reproduction.

Lisez donc ce qui suit pour découvrir ces molécules fascinantes.

Les composants antifongiques clés des extraits de cannabis

Les plants de cannabis produisent plusieurs catégories principales d’armes chimiques. Les voici :

  • Flavonoïdes : les plants de cannabis produisent un éventail de flavonoïdes, y compris ceux présents largement dans la nature comme la quercétine et le kaempférol, ainsi que ceux exclusivement présents dans le cannabis, comme les cannaflavines. Ces flavonoïdes semblent prometteurs pour inhiber la croissance fongique[3], en particulier grâce à la perturbation de la membrane plasmique et au déclenchement des dysfonctionnements mitochondriaux dans les cellules fongiques.
  • Terpènes : les plants de cannabis produisent plus de 140 terpènes, des composés qui contribuent aux odeurs, goûts et effets uniques de chaque variété. Au-delà de leurs odeurs agréables, les terpènes sont des métabolites secondaires en partie conçus pour protéger les plantes des maladies. Grâce à leur teneur en terpènes, les extraits de résine de cannabis offrent une action antifongique prometteuse.
  • Alcools : les extraits de feuilles de cannabis se sont avérés efficaces[4] contre plusieurs pathogènes fongiques comme Aspergillus flavipes. Plusieurs composés sont responsables de cette action dont des alcools comme le n-butanol.

Avantages des fongicides à base de cannabis sur les méthodes traditionnelles

Mains nourrissant une sphère verte saine près d'un fongicide organique, représentant une protection végétale ciblée et durable grâce aux extraits de cannabis.

Si les composés issus du cannabis peuvent rivaliser ou même dépasser l’efficacité des fongicides conventionnels, tout en réduisant aussi les risques pour l’environnement et la santé, ils pourraient représenter une avancée majeure dans l’agriculture durable.

Au contraire de nombreux fongicides chimiques qui ne sont pas sélectifs, les extraits à base de cannabis pourraient offrir une activité ciblée contre les champignons nocifs, ce qui signifie qu’ils pourraient aider à lutter contre les microbes pathogènes sans perturber les organismes bénéfiques du sol.

Ceci les rend particulièrement intéressants pour les agriculteurs biologiques et les cultivateurs régénératifs qui cherchent à entretenir un microbiome du sol sain et vivant.

S’ils sont utilisés pendant une longue période à des concentrations élevées, ils pourraient perturber les populations de champignons bénéfiques dans le sol. Toutefois, l’agroécologie préconise une approche équilibrée.

En combinaison avec d’autres techniques de lutte contre les champignons comme la polyculture, les fongicides à base de cannabis peuvent offrir une solution ciblée et à court terme dans le cadre d’une stratégie biologique holistique plus large.

Comparaison des extraits de cannabis avec les fongicides traditionnels

Voici quelques-uns des avantages clés qui pourraient rendre les extraits de cannabis plus favorables que les fongicides traditionnels :

  • Profil respectueux de l’environnement : les fongicides dérivés du cannabis sont biodégradables et ne restent pas dans l’environnement comme les produits chimiques synthétiques. Cela signifie moins de pollution, moins de perturbation des sols et moins de dégâts sur les organismes non ciblés.
  • Action ciblée : bien qu’étant toujours puissants, de nombreux composés du cannabis risquent moins de nuire aux champignons et microbes bénéfiques du sol lorsqu’ils sont utilisés avec parcimonie et de manière intentionnelle.
  • Risque de résistance réduit : grâce à la complexité et la diversité des composés du cannabis, les pathogènes risquent moins de développer rapidement une résistance, en particulier si les extraits sont alternés ou combinés pour des effets variés.
  • Sécurité du consommateur : les cultivateurs bio et spécialisés dans le cannabis cherchent à éviter les résidus synthétiques sur leurs cultures. Les fongicides à base de cannabis sont un candidat naturel pour ce rôle, avec beaucoup moins de risques pour le consommateur final.

Défis et limites des fongicides à base de cannabis

Un bourgeon de cannabis et des produits fongicides organiques à côté d'un point d'interrogation et d'une flèche ascendante, représentant le potentiel et les défis des fongicides à base de cannabis.

L’innovation s’accompagne souvent de nombreux obstacles. En dépit de leur potentiel, les fongicides à base de cannabis restent une nouveauté peu étudiée et pourraient faire face à plusieurs défis dans leur adoption par le plus grand nombre.

Prendre en compte le contexte juridique

La réglementation reste l’un des principaux obstacles à une adoption généralisée. Dans de nombreuses régions du monde, le cannabis est toujours considéré comme une substance contrôlée même dans le domaine agricole. Cela limite à la fois l’étude et le développement commercial des intrants agricoles à base de cannabis.

De plus, la distinction entre les produits dérivés du chanvre (qui contiennent de faibles quantités de THC) et les produits de cannabis à forte teneur en THC crée une zone d’ombre juridique supplémentaire. Si les extraits de chanvre sont plus faciles à commercialiser, ils contiennent souvent des concentrations plus faibles de composés antifongiques puissants tels que certains cannabinoïdes et terpènes.

Perspectives d’avenir : les extraits de cannabis peuvent-ils devenir des fongicides biologiques courants ?

L’utilisation du cannabis comme fongicide offre une alternative potentielle aux options conventionnelles nocives, non seulement pour les cultivateurs d’herbe, mais aussi pour les agriculteurs en général. Ces fongicides à base de cannabis présentent moins de risques pour les utilisateurs et l’environnement.

Avec des ajustements et des tests, des formules sur mesure pourraient également cibler des pathogènes spécifiques sans déclencher de résistance, tout en préservant la délicate vie fongique bénéfique dans le sol.

Ce domaine d’innovation n’en est qu’à ses débuts. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour comprendre pleinement les complexités chimiques et la manière dont les nombreux composés présents dans le cannabis affectent à la fois les agents pathogènes et les autres formes de vie microbienne dans le sol. Cependant, avec le temps, vous pourriez bien vous retrouver à faire pousser de l’herbe avec l’aide de l’herbe.