Articles GRATUITS inclus
Docteur Mechoulam : hommage au père de la recherche cannabique
Aucun chercheur n’a contribué autant au domaine scientifique du cannabis que le docteur Raphael Mechoulam. Surnommé le « père de la recherche cannabique » Mechoulam a découvert le THC et aidé à identifier les composantes clefs du système endocannabinoïde. Il a récemment fait une découverte révolutionnaire dans le monde des acides cannnabinoïdes.
Sommaire:
L’humanité consomme du cannabis depuis des milliers d’années. Dans l’antiquité, nous avons découvert certaines de ses applications holistiques et l’avons utilisé comme source de papier, de cordages et d’alimentation. Mais ce n’est qu’au cours du siècle dernier que nous avons vraiment commencé à dévoiler certains de ses secrets les plus profonds.
C’est à l’audace de certains chimistes, biologistes et autres chercheurs scientifiques que nous devons notre compréhension actuelle de la plante.
Plusieurs personnes bien connues ont aidé à découvrir les molécules contenues dans la plante et à élucider leur mode d’action dans le corps. Mais aucune d’entre elles n’est aussi reconnue que le docteur Raphael Mechoulam.
Malheureusement, Mechoulam nous a quittés en mars 2023 après une vie consacrée à la recherche sur le cannabis. Sa carrière longue de six décennies a été marquée par la persévérance et l’engagement et des millions de malades ont pu profiter de ses travaux.
Raphael Mechoulam était un membre fondateur de l’International Cannabinoid Research Society (ICRS) et une figure renommée dans le domaine des cannabinoïdes. Dans une déclaration de la société à la suite de sa mort, Mechoulam était affectueusement surnommé « Raphi », preuve de sa personnalité abordable et chaleureuse en plus de son excellence universitaire. Les conférences publiques animées par Mechoulam dans le monde entier témoignaient de ses connaissances et de sa passion pour la recherche sur le cannabis.
Mechoulam et sa dernière découverte : EPM301
Le docteur Mechoulam a fait de nombreuses avancées révolutionnaires au cours de sa carrière. De la découverte et l’isolation du THC au dévoilement de composantes clés du système endocannabinoïde, les chercheurs modernes s’appuient véritablement sur les fondations posées par ce bâtisseur scientifique. Dans sa dernière découverte, il a réussi à créer un acide cannabinoïde connu sous le nom de EPM301 qui semble très prometteur en tant que future substance pharmaceutique.
En 2020, l’année de ses 90 ans, Mechoulam a trouvé un moyen de stabiliser des acides cannabinoïdes auparavant volatiles. Dans certains cas, ces composés exercent des effets plus puissants que leurs cousins « activés », mais leur manque de stabilité en fait des candidats faibles pour la recherche et les applications. Du moins, c’était avant que Mechoulam se penche sur leur cas.
Que sont les acides cannabinoïdes ?
Les acides cannabinoïdes sont des composés qui existent naturellement et qui sont synthétisés dans les trichomes glandulaires des plants de cannabis, ces petites structures brillantes qui forment une couche brillante de « givre » à la surface des têtes.
Cela pourrait vous surprendre d’apprendre que le cannabis brut contient très peu de THC et de CBD. En effet, ces cannabinoïdes voient le jour sous forme d’acides cannabinoïdes. Par exemple, le CBD (cannabidiol) existe sous forme d’acide cannabinoïde dans les fleurs d’herbe vivantes. Il possède une structure moléculaire différente de celle du CBD, car il possède un groupe supplémentaire d’atomes d’hydrogène, d’oxygène et de carbone, connu sous le nom de groupe carboxyle.
Quand vous chargez des fleurs riches en CBD dans une douille et que vous approchez une flamme, vous utilisez le pouvoir de la chaleur pour transformer le CBDA en CBD avant d’inspirer la fumée. Grâce à un processus appelé décarboxylation, le groupe carboxyle supplémentaire est éjecté de la molécule, ce qui crée du CBD.
À chaque fois qu’on fume, fait cuire ou vaporise du cannabis, on transforme tous ces acides cannabinoïdes en leur cannabinoïde correspondant. Mais de quoi se prive-t-on avec ces acides cannabinoïdes ?
En effet, les acides cannabinoïdes possèdent leurs propres caractéristiques. Comme ils présentent des structures moléculaires différentes, ils sont capables d’influencer le corps et le système endocannabinoïde d’une manière différente. La recherche actuelle[1] continue d’explorer le potentiel des acides cannabinoïdes, en se concentrant particulièrement sur leurs effets sur la réponse immunitaire, l’humeur, les troubles d’estomac et les maladies dégénératives.
En dépit de leurs propriétés uniques et prometteuses, les acides cannabinoïdes présentent un grand défi pour les entreprises qui cherchent à les développer sous forme de médicaments et de compléments alimentaires. La chaleur n’est pas la seule à les décarboxyler et à changer leur structure. La conservation à long terme et l’exposition aux UV peuvent agiter un acide cannabinoïde et le transformer également en cannabinoïde activé. Du moins, c’était avant que le père de la recherche cannabique arrive et fasse ce qu’il fait de mieux : révolutionner la science du cannabis.
EPM301 & CBDA
Mechoulam a travaillé dans différents laboratoires et avec des équipes différentes au cours de sa carrière. Dernièrement, il était à la tête de l’équipe médicale d’EPM, un groupe pharmaceutique travaillant au développement de nouveaux agents thérapeutiques à partir de cannabinoïdes de synthèse.
EPM a orienté ses efforts de recherche vers les acides cannabinoïdes. Reshef Swisa, le PDG de l’entreprise, a déclaré[2] : « alors que toute l’industrie travaille sur les composés qui décarboxylent à partir de la plante une fois qu’elle commence à sécher, nous nous intéressons plus à découvrir ce qui se passe sur la plante elle-même ».
Swisa a également souligné pourquoi de nombreuses entreprises pharmaceutiques ne s’intéressent pas vraiment au cannabis. Il affirme qu’elles ne s’y intéressent pas vraiment parce que les entreprises ne peuvent pas déposer de brevet pour la formule d’une molécule naturelle.
De plus, il a identifié ce qui est peut-être le plus gros défi dans le cadre des travaux sur les acides cannabinoïdes : « les acides du cannabis sont très instables, ce qui signifie qu’ils se décomposent très facilement en cannabinoïdes. Si vous essayiez de les prélever sur la plante ou si vous essayiez de les consommer, la chaleur de votre corps les décomposerait et ils seraient alors décarboxylés. »
Cependant, l’équipe d’EPM soutien l’idée que les acides cannabinoïdes offrent des effets plus puissants que leurs cannabinoïdes résultants. Pour résoudre les problèmes de brevetabilité et de volatilité, EPM s’est offert les services du génie de Mechoulam.
Au cours de ses travaux de recherche dans l’entreprise, Mechoulam a réussi à dépasser le problème de la décomposition des acides cannabinoïdes. Il a développé une technique qui modifie les acides et les garde suffisamment stables pour les rendre utilisables à l’échelle industrielle.
Mechoulam a pris le CBDA et l’a stabilisé en utilisant un processus chimique appelé estérification. Cette procédure permet au groupe carboxyle de conserver une prise sur le reste de la molécule de CBD, ce qui signifie que le CBDA reste intact dans des situations où la molécule serait autrement décomposée.
Cette découverte a non seulement augmenté la stabilité et donc l’utilité de l’acide cannabinoïde, mais aussi permis à EPM de breveter cette forme de CBDA, qui a été appelée ester méthylique d’acide cannabidiolique ou EPM301.
EPM301 et ses potentielles applications
Les chercheurs dans le domaine du cannabis explorent actuellement le potentiel du CBDA pour un éventail de troubles, dont la douleur neuropathique[3] et le syndrome de Dravet[4].
Mechoulam lui-même a donné un aperçu des recherches en cours[5] : « nous comparons notre composé non seulement aux cannabinoïdes mais aussi aux médicaments existants qui sont administrés de nos jours », en ajoutant, « donc par exemple, dans les MICI [Maladies Inflammatoires Chroniques de l'Intestin] nous avons comparé nos composés à deux produits conventionnels : l’un est la prednisone (stéroïdes) et l’autre est une substance biologique. Et pour les deux, nous avons réussi à prouver que l’activité de notre composé était très similaire à la substance courante ».
Le chercheur légendaire avait une perspective optimiste au sujet de sa dernière création. Il espérait que dans les années à venir, elle atteindrait un statut similaire à celui du CBD sur le marché.
Swisa a également partagé ses espoirs au sujet des futures applications potentiels d’EPM301. En général, tout semble indiquer que cet acide cannabinoïde de synthèse trouvera sa place dans les milieux cliniques.
Mechoulam : qui était le père de la recherche moderne sur le cannabis ?
La découverte de Mechoulam a donné lieu à une révolution dans les acides cannabinoïdes. Une fois de plus, son génie a ouvert la voie à de futurs médicaments à base de cannabis. Bien qu’impressionnante, cette découverte ne fait qu’effleurer l’étendue des contributions de cet homme au monde de la science du cannabis.
Entrée dans le monde de l’herbe
Après sa naissance en Bulgarie, les parents de Mechoulam l’ont emmené en Israël en 1949. Il y a passé un master en biochimie à l’Université Hébraïque de Jérusalem en 1952, suivi d’un doctorat en chimie à l’Institut Weizmann à Rehovot.
Mechoulam avait clairement un penchant pour la chimie dès ses débuts. Il a fini par appliquer ces connaissances au domaine du cannabis. Il se souvient des débuts de son aventure avec le cannabis lors d’un voyage en bus fatidique en 1964. Après avoir reçu 5 kg de hasch de la part de la police israélienne, il lui a été demandé de le transporter à son laboratoire à l’Institut Weizmann. Son équipe avait déjà découvert la structure chimique du CBD en 1963 et ils avaient désormais toute une brique de molécules du cannabis pour jouer.
Découverte et synthèse du THC et d’autres cannabinoïdes
Il n’a pas fallu attendre longtemps pour que Mechoulam opère sa magie. Il a réussi à isoler le THC[6] à partir de cette brique de hasch en collaboration avec son partenaire de recherche Yehiel Gaoni. Dans un article intitulé « Isolation, Structure, and Partial Synthesis of an Active Constituent of Hashish », les deux chercheurs ont documenté le processus d’obtention et de découverte du cannabinoïde psychotrope à partir du matériau brut.
Même si c’est à Mechoulam et Gaoni que revient tout le mérite pour cette découverte, il est important de se rappeler qu’ils continuaient les travaux de plusieurs décennies réalisés par des chercheurs avant eux. On peut citer les efforts de Robert Cahn, le premier à isoler le CBN[7] – un produit de la dégradation du THC. Un an plus tard, en 1965, les deux ont également été les premiers à synthétiser du THC[8] sous la forme de dl-Δ1-tétrahydrocannabinol. Mechoulam et son équipe ont découvert au fil de la décennie suivante les structures chimiques d’autres cannabinoïdes, comme le CBG, le CBC et plusieurs acides cannabinoïdes.
Dévoilement du système endocannabinoïde (SEC)
Après la découverte du THC, plusieurs études animales et humaines ont confirmé que le THC était en effet le principal composant psychotrope du cannabis. Cependant, les chercheurs ne savaient pas comment le cannabinoïde exerçait ses effets.
Les scientifiques connaissaient la nature lipophile du THC, à savoir que les cannabinoïdes se liaient aux matières grasses. Cette connaissance a donné naissance à une théorie proposant que la molécule agissait de manière non-spécifique dans le corps. Certains chercheurs pensaient que le THC pénétrait probablement dans l’environnement riche en graisses de la membrane cellulaire, où il flottait et altérait la conscience à travers un mécanisme d’action non-spécifique.
Les travaux de Mechoulam ont rapidement changé ce point de vue. Dans les années 1980, le père de la recherche cannabique et ses collègues ont déterminé que les cannabinoïdes agissaient à travers un mécanisme spécifique dans le corps[9]. Cette découverte a déclenché la chasse aux récepteurs cannabinoïdes dans les tissus des mammifères.
Des chercheurs ont découvert les deux récepteurs à protéines couplées G qui composent ce que l’on connaît désormais sous le nom de système endocannabinoïde canonique. Ils ont découvert le récepteur CB1 (où le THC se lie pour produire ses effets) en 1988 et le récepteur CB2 en 1993.
La présence de récepteurs cannabinoïdes dans les tissus des mammifères a ensuite dirigé les efforts vers la recherche des molécules de signalisation endogènes qui s’y lient. Mechoulam a été le premier à y arriver, en dirigeant une équipe de recherche qui a conclu que l’anandamide (la molécule du bonheur) servait d’activateur du CB1 et que le 2-AG servait également à réguler le système endocannabinoïde.
Mechoulam a également fortement contribué à la recherche sur les cannabinoïdes en concevant et en synthétisant un éventail de nouveaux cannabinoïdes de synthèse qui sont utilisés pour cibler les récepteurs endocannabinoïdes pour la recherche. On peut citer les suivants :
- HU-210 : un analogue du THC synthétique qui cible le CB1 et le CB2
- HU-308 : une molécule conçue pour cibler le CB2
- HU-580 : une forme synthétique de CBDA qui présente plus de puissance que la molécule naturelle et qui cible les récepteurs à sérotonine
Une figure légendaire dans la science du cannabis
Mechoulam s’est fait un nom dans le domaine de la science du cannabis. Ses découvertes ont non seulement permis une meilleure compréhension de la plante qu’est le cannabis, mais aussi une vision plus complète du corps humain et de ses systèmes.
Nous devons beaucoup à cet universitaire assidu. Mechoulam a reçu de nombreux prix récompensant les chercheurs les plus cités (« Highly Cited Researcher Awards ») et il se classe parmi les 1 % des chercheurs les plus importants au monde pour les citations d’articles dans un domaine d’étude spécifique.
L’éditeur scientifique BioMed Central a interrogé Mechoulam en 2020 en lui demandant ce qu’il pensait du futur de la recherche sur le cannabis[10]. Il a déclaré qu’il souhaiterait voir plus d’essais cliniques humains dans le domaine du cancer et plus d’exploration du système endocannabinoïde étendu. Espérons que les souhaits du docteur se réaliseront dans un futur proche.
Sources Externes
- Cannabis Pharmacology: The Usual Suspects and a Few Promising Leads - PubMed https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov
- Father of cannabis research plans a new revolution nearly 60 years later - The Jerusalem Post https://www.jpost.com
- An evaluation of the anti-hyperalgesic effects of cannabidiolic acid-methyl ester in a preclinical model of peripheral neuropathic pain https://bpspubs.onlinelibrary.wiley.com
- Pharmacokinetics of Phytocannabinoid Acids and Anticonvulsant Effect of Cannabidiolic Acid in a Mouse Model of Dravet Syndrome https://pubs.acs.org
- More Potent Than CBD, THC: Dr. Raphael Mechoulam Explains His Latest Discovery https://www.forbes.com
- Isolation, Structure, and Partial Synthesis of an Active Constituent of Hashish https://pubs.acs.org
- 174. Cannabis indica resin. Part III. The constitution of cannabinol - Journal of the Chemical Society (Resumed) (RSC Publishing) https://pubs.rsc.org
- A Total Synthesis of dl-Δ1-Tetrahydrocannabinol, the Active Constituent of Hashish https://pubs.acs.org
- The 90th Birthday of Professor Raphael Mechoulam, a Top Cannabinoid Scientist and Pioneer https://www.ncbi.nlm.nih.gov
- The father of cannabis research: Q&A with Raphael Mechoulam - On Health https://blogs.biomedcentral.com
Avertissement:
Ce contenu est conçu dans un but purement éducatif. Les informations fournies proviennent de recherches rassemblées depuis des sources externes.